28.12.2022
Considérations générales
Les avantages du régime forfaitaire adopté par l’Italie depuis 2017 pour les nouveaux résidents sont désormais ben établis:
Le régime forfaitaire italien partage plusieurs similitudes avec le régime suisse d’imposition d’après la dépense, mais il se révèle plus avantageux sur le plan fiscal et permet, contrairement au système suisse, aux nouveaux résidents d’exercer une activité professionnelle en Italie.
Bien qu’il ne soit pas obligatoire de solliciter un ruling fiscal préalable (le nouveau résident peut opter sans ruling pour l’impôt forfaitaire lors de la première déclaration d’impôt), il est fortement recommandé d’obtenir un ruling afin d’assurer une sécurité juridique maximale et d’éviter toute mauvaise surprise.
Pour ceux qui envisagent de transférer leur résidence de Suisse en Italie, l’intérêt du régime forfaitaire italien dépend du type de revenus perçus en Suisse.
Les revenus issus de biens immobiliers situés en Suisse restent intégralement imposés en Suisse, conformément à l’article 6 de la Convention de double imposition (CDI) entre la Suisse et l’Italie (CDI CH-I). Par conséquent, pour ces revenus, le régime forfaitaire italien n’offre aucun avantage fiscal.
Concernant les dividendes suisses, l’intérêt du forfait fiscal italien est tangible à condition que l’Administration Fédérale des Contributions reconnaisse le remboursement de 20% sur l’Impôt anticipé, comme l’exige l’art. 10 de la CDI CH-I. J’aborderai plus loin cet aspect qui mérite une attention particulière.
Le régime forfaitaire italien se révèle particulièrement attractif pour tous les revenus d’activités professionnelles et commerciales exercées hors d’Italie, ainsi que pour la fortune détenue en Italie et à l’étranger.
Il est essentiel de vérifier les différentes sources de revenus pour évaluer l’opportunité de recourir au régime italien en fonction des effets produits pour chaque type de revenu en vertu de la CDI CH-I.
Résidence sous l’angle de l’art. 4, al. 5b, CDI Suisse
Avec l’introduction du régime forfaitaire pour les nouveaux résidents, la question s’est posée de savoir si ce régime pouvait entrer en conflit avec l’article 4 du modèle de Convention fiscale de l’OCDE.
Cette disposition prévoit que « les personnes qui ne sont pas assujetties à l’impôt dans un État pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située, ne peuvent pas être considérées comme résidentes de cet État ».
Pour clarifier l’applicabilité des conventions fiscales internationales (CDI) aux nouveaux résidents bénéficiant du régime forfaitaire, l’administration fiscale italienne a émis la circulaire n° 17 du 23 mai 2017.
Cette directive précise que le régime forfaitaire, régi par l’article 24-bis du « TUIR », soumet les nouveaux résidents :
Puisque les revenus produits à l’étranger ne sont pas exonérés d’impôt, mais soumis à un « impôt en substitution à l’impôt sur le revenu des personnes physiques calculé sur une base forfaitaire», le critère de taxation mondiale est respecté.
Pour ces motifs, l’administration fiscale conclut que «les personnes physiques exerçant l’option visée à l’article 24-bis « TUIR » (impôt forfaitaire) doivent être considérées comme résidentes également aux fins des CDI, car tous leurs revenus sont soumis à l’impôt en Italie, sauf dans le cas où les CDI applicables individuellement prévoient autrement ».2
La circulaire laisse donc entendre que le régime forfaitaire devrait également s’appliquer à la CDI CH-I.
En effet, pour le remboursement de l’Impôt Anticipé suisse sur les dividendes et les intérêts, ainsi que de l’impôt à la source sur les prestations provenant des institutions de prévoyance, l’administration fiscale italienne certifie formellement la résidence italienne des anciens résidents suisses (sous le régime forfaitaire en Italie) dans les formulaires spécifiques respectifs.
Concernant la question n° 3 du formulaire 95 (dividendes et intérêts), « avez-vous été entièrement assujetti à l’impôt en Italie sur tous les revenus indiqués sur la page précédente », l’ancien résident suisse doit répondre par l’affirmative, car ces revenus sont imposables en Italie.
De plus, l’administration fiscale italienne confirmera, via le même formulaire 95, que l’ayant droit est domicilié en Italie en vertu de la CDI-CH I, ce qui devrait permettre le remboursement. De même, en ce qui concerne la prévoyance professionnelle, l’autorité fiscale italienne confirmera dans l’espace prévu à cet effet dans la demande de remboursement que la prestation en question a été soumise à imposition en Italie
Cependant, des incertitudes demeurent quant à l’interprétation que l’Administration Fédérale des Contributions (AFC) pourrait adopter concernant le transfert en Italie d’un résident suisse bénéficiant du régime forfaitaire.
Cette incertitude découle de l’article 4, paragraphe 5 « B », présent dans le CDI CH-I, qui rappelle la disposition ci-dessus de l’OCDE en précisant : « N’est pas considérée comme résidente d’un État contractant, une personne physique qui n’est pas assujettie aux impôts généralement perçus dans l’État contractant dont elle serait un résident selon les dispositions qui précèdent pour tous les revenus généralement imposables selon la législation fiscale de cet État et provenant de l’autre État contractant ».
En vertu de cette disposition, l’AFC pourrait ne pas reconnaître la résidence italienne des ex-domiciliés suisses lorsque seul l’impôt forfaitaire s’applique. Cependant, cette possibilité devrait être écartée si, en plus de l’impôt forfaitaire, l’ancien résident suisse paie également des impôts ordinaires sur des revenus italiens.
En effet, à partir du moment où le nouveau résident est soumis à l’impôt forfaitaire sur les revenus en provenance de Suisse, ainsi qu’aux impôts italiens ordinaires sur les revenus de source italienne, toutes les conditions de l’article 4, paragraphe 5 « B » de la CDI CH-I sont remplies et le remboursement de l’IA ne devrait plus rencontrer d’obstacles.
Dans les cas où un nouveau résident n’aurait pas de revenus de source italienne et où ses revenus prédominants consisteraient en dividendes provenant de Suisse, ou d’autres rendements de capitaux mobiliers, une alternative pourrait être envisagée. Ce régime alternatif, succinctement exposé ci-dessous, pourrait être pris en considération si l’AFC interprète de manière restrictive la CDI CH-I.
Régime spécial pour les travailleurs impatriés
Il s’agit du décret-loi n. 34/2019, concernant les mesures urgentes pour la croissance économique et pour la résolution de situations de crises spécifiques.
Ce régime permet une exonération fiscale de 70% ou 90% de tous les revenus italiens et étrangers à tous les nouveaux résidents : 70% si la résidence est établie au nord de l’Italie et 90% au sud de l’Italie (Abruzzes, Molise, Campanie, Pouilles, Basilicate, Calabre, Sardaigne, Sicile).
Contrairement au régime à forfait, les impôts dans celui des impatriés sont prélevés à un taux progressif sur les revenus mondiaux déclarés, de manière à exclure tout conflit avec l’art. 4, al. 5b de la CDI CH-I.
La durée de ce régime est de 5 ans, renouvelable pour une autre période de 5 ans pour ceux qui ont un enfant mineur (ou à charge) et pour ceux qui achètent un bien immobilier résidentiel en Italie après le transfert ou au cours des 12 mois précédents. Pour cette deuxième période, l’exonération fiscale est de 50 %, tandis que pour ceux qui ont au moins trois enfants mineurs (ou à charge), l’exonération est de 90 %.
Y sont éligibles les nouveaux impatriés salariés et assimilés, travailleurs indépendants, propriétaires d’entreprises, ainsi que ceux qui créent en Italie une nouvelle entreprise.
Les conditions suivantes sont requises pour ce régime:
Il est important de souligner que, dans le cadre d’un emploi salarié, la nationalité de l’employeur est sans incidence, tout comme les conditions dans lesquelles le travail est exécuté, par exemple en “télétravail” pour le compte d’un employeur étranger. Ce qui revêt une importance déterminante, c’est que l’exécution des tâches professionnelles soit effectivement réalisée sur le territoire italien. Si, malgré le statut d’impatrié en Italie, une partie du travail est accomplie à l’étranger sur une période déterminée (par exemple, 3 mois sur 12), les revenus correspondants seront intégralement soumis à l’impôt ordinaire italien, sans bénéficier d’aucun dégrèvement fiscal.
Il convient également de noter qu’une fois que l’impatrié a choisi d’établir sa résidence dans une région autre que celles offrant un allègement fiscal de 90 %, il ne pourra plus prétendre à cet allègement s’il décide ultérieurement de transférer sa résidence dans une région du sud de l’Italie. La première résidence déclarée est celle qui sera prise en compte pour l’application de l’allègement fiscal.
Conclusion
Le régime forfaitaire italien se positionne actuellement comme l’un des régimes fiscaux les plus avantageux et attractifs en Europe, notamment pour les revenus d’activités professionnelles et commerciales (indépendantes ou salariées) provenant de l’étranger, ainsi que pour la gestion du patrimoine tant à l’étranger qu’en Italie.
Pour les personnes transférant leur résidence en Italie depuis la Suisse, dont les revenus principaux proviennent de biens immobiliers situés en Suisse, le régime forfaitaire perd de son attrait, ces revenus étant exclusivement imposés en Suisse conformément à l’article 6 de la CDI CH-I.
S’agissant des revenus principalement issus de placements mobiliers en Suisse, il est crucial d’évaluer le risque que l’Administration Fédérale des Contributions (AFC) interprète de manière restrictive l’article 4, paragraphe 5 « B » de la CDI CH-I, ce qui pourrait entraîner un refus du remboursement de l’Impôt Anticipé (IA).
Dans le cas où le régime forfaitaire italien ne serait pas avantageux pour certains revenus suisses, il serait opportun d’examiner l’intérêt potentiel de recourir au régime spécial destiné aux travailleurs impatriés.
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1 A noter que pour déterminer l’impôt dû pour la masse successorale situées en Italie et pour appliquer les franchises fiscales prévues par les paragraphes 48 et 49 de l’article 2 du décret-loi 3 octobre 2006, n. 262, converti par la loi du 24 novembre 2006, n. 286, seule la masse existante en Italie est pertinente :
– Franchise de € 1’000’000 en faveur du conjoint et de chaque héritier en ligne directe (ascendants et descendants). Ensuite, un taux de 4% est appliqué à la valeur nette totale dépassant la franchise ;
– Franchise de € 100’000 en faveur des frères et sœurs. Ensuite, un taux de 6% est appliqué à la valeur nette totale dépassant la franchise;
– Taux de 6% pour les transferts en faveur d’autres parents jusqu’au quatrième degré, parents en ligne collatérale jusqu’au troisième degré (sans franchise) à appliquer à la valeur nette totale;
– Taux de 8%, pour les transferts vers toutes les autres héritiers (sans franchise) à appliquer à la valeur nette totale.
2 Partie III, art. 7, paragraphe 7, Circulaire no. 17 du 23 mai 2017 de l’Administration Fiscale